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Histoire des relations franco-tchèques

L‘histoire des relations franco-tchèques remonte loin dans le Moyen Age : le premier représentant important de la France dans le Royaume de Bohême fut, au XIIIème siècle, le chancelier du roi Venceslas II. Après l´extinction de la dynastie tchèque des Přemyslides, le trône de Bohême échut à la dynastie des Luxembourg, proche de la France. Jean de Luxembourg, roi de Bohême, périt en 1346 dans la bataille de Crécy, où il combattit en allié du roi de France.

Karel IV

Son fils, qui lui succéda, avait été élevé à la cour du roi de France, et il prit pour régner le nom de celui-ci : ce fut l´Empereur Charles IV. A son retour à Prague, le jeune souverain, acquis à la culture et la civilisation françaises, mit en application ses inspirations parisiennes pour transformer profondément, d´une façon qui reste toujours perceptible, la capitale de la Bohême. A l'exemple de la Sorbonne, il y fonda la première université d´Europe Centrale, il fit élever un quartier nouveau (la Ville-Neuve), suivant un concept urbanistique très avancé; il fit venir de la Bourgogne des ceps de vigne pour en introduire la culture en Bohême et il fit appel à des architectes français qui commencèrent la construction de la cathédrale de Prague, étendant ainsi la beauté de l´architecture gothique d´Ile-de-France au centre de l'Europe (ce modèle se répercuta par la suite dans d´autres cathédrales des Pays tchèques).

En 1464, un autre roi de Bohême, Georges de Poděbrady, envoya une délégation au roi Louis XI pour le convaincre de soutenir l´idée d´une "Alliance de souverains d´Europe", idée que l'on croirait conçue par le cerveau d´un politologue moderne. L´objectif de l´Alliance aurait été, d´une part, la défense contre les invasions turques, mais aussi une vaste coopération internationale pour le maintien de la paix en Europe : un premier projet de sécurité collective.

Plus tard, malgré la résistance française, la Bohême se retrouva pour une longue période sous la férule des Habsbourgs; des liens assez étroits persistèrent entre l´Unité des Frères Moraves (l´une des églises réformées de Bohême) et les calvinistes français.

Le XIXème siècle marqua un tout nouvel essor des relations franco-tchèques. A l´instar des autres peuples d´Europe Centrale, les Tchèques commencèrent leur mouvement d´émancipation nationale sur l´Autriche et sa politique de germanisation; ils voyaient alors dans la France un contrepoids naturel de l´Autriche et de la sphère germanique en général, avec ses pressions culturelles. Les liens plus étroits avec la France et sa civilisation leur faisaient espérer un meilleur contact avec la pensée et la culture modernes (beaucoup de traductions d´œuvres littéraires françaises virent le jour à ce moment-là ), ainsi qu´un soutien de leurs efforts émancipateurs.

Contre la volonté de Vienne, Paris se mit à recevoir des visites d´hommes politiques tchèques importants. Les contacts furent réguliers entre la Mairie de Paris et celle de Prague, l´organisation patriotique et sportive des Sokols avait, elle aussi, ses antennes à Paris. En 1870, les députés tchèques de la Diète du Pays furent les seuls à s´élever contre l´annexion de l´Alsace et de la Lorraine par l´Allemagne.

Les rapports naissants des patriotes tchèques avec la France étaient très mal vus par le gouvernement autrichien. En 1892, le voyage en France d´une délégation des Sokols donna même lieu à un petit incident international qui fut qualifié, du côté autrichien, comme un acte d´inimitié (une photo de "l´accueil des Sokols à la gare de Nancy" fut même publiée par des journaux francais). Leur délégation officielle envoyée à l´Exposition universelle fut cependant reçue à l´Hôtel de Ville de Paris. En échange, la ville de Paris envoya sa délégation, avec des gymnastes inclus, à la Fête des Sokols à Prague. Leur accueil fut triomphal et faillit se transformer en une manifestation nationale. Selon les témoignages, la délégation française quitta Prague en défenseur convaincu des intérèts tchèques.

claudel

Du point de vue des relations officielles, la création du Consulat français à Prague en 1897, obtenue sur la pression des députés tchèques, constitua un moment important. La mission principale du Consulat fut de recueillir des informations économiques, car la Bohême était la principale région industrielle de l´Empire austro-hongrois. Entre 1909-1911, ce fut Paul Claudel qui y exerça les fonctions de consul.

Tout au long du siècle dernier, l´influence culturelle de la France en Bohême fut très importante dans tous les domaines, mais la Bohême, de son côté, une contrée inconnue, devint peu à peu, aux yeux des Français, un pays possédant une belle et riche culture. Dès 1863, on fit des conférences sur la littérature tchèque au Collège de France. Dans les années soixante, l´association Česká beseda (La Conversation tchèque) de Paris se réunissait au Café des Nations pour diffuser une meilleure connaissance de la Bohême. A partir de 1869 paraissait en Bohême, en français, la revue Correspondance slave, qui se proposait de fournir à l´étranger des informations sur les événements dans les Pays tchèques. Le grand et constant défenseur de la cause tchèque en France fut l´historien Ernest Denis, dont l´œuvre maîtresse, La Bohême après la Montagne Blanche, consacrée à la période de la domination habsbourgeoise sur la Bohême, devint, mème pour le public tchèque, une source d´auto-réflexion.

La fondation de l´Alliance Française constitua un autre moment important : ses antennes apparurent en Bohême dès 1886, les premières en Europe Centrale. C´est grâce à une bourse de cette institution que, plus tard, Edvard Beneš pouvait faire ses études à la Sorbonne, avant de soutenir à l´Université de Dijon sa thèse en droit. Dans la période suivante, à partir de 1918, l´Institut Français de Prague, portant le nom d´Ernest Denis, devait jouer un rôle analogue.

Bien plus nombreux que les hommes politiques, ce sont les artistes tchèques qui partaient chercher leurs inspirations, créer et vivre en France; ce flux ne fut interrompu qu´avec l´arrivée au pouvoir des communistes en 1948, pour reprendre brièvement en 1968 puis, définitivement, en 1989. Le plus marquant des échanges culturels fut, au début de ce siècle, l´exposition à Prague de l´œuvre de Rodin, sa première exposition à l´étranger; elle se transforma en une apothéose de l´admiration tchèque pour la culture française, et en un triomphe personnel du sculpteur. Une grande importance dans les relations entre les deux pays et dans la connaissance de la civilisation française revint aux universitaires "romanisants", qui avaient fait leurs études en France et, revenus dans leur pays, en devinrent de précieux vecteurs.

Le XXème siècle fut capital pour le rapprochement franco-tchèque. Sur le plan politique, la France fut considérée à Prague comme un contrepoids de l´univers germanique austro-allemand, et l´éclatement après la Première guerre mondiale, c´est tout naturellement que des hommes politiques tchèques, soucieux de l´émancipation nationale, cherchèrent refuge à Paris, où ils continuèrent d´œuvrer pour la cause tchèque. 

Masaryk et Beneš

C´est à Paris qu´ils créèrent, en 1916, le Conseil national tchécoslovaque, que la France fut la première à reconnaître comme représentant légal des Tchèques et des Slovaques (suivie par les Etats-Unis et la Grande Bretagne), de même qu´elle reconnut plus tard, en 1918, ses principaux responsables, Masaryk, Beneš et Štefánik, comme gouvernement provisoire de la Tchécoslovaquie. (La maison de la rue Bonaparte qui abritait ce Conseil est toujours une propriété tchèque, elle est occupée aujourd'hui par le Consulat et le Centre tchèque.)

Première puissance à avoir reconnu ces organismes tchécoslovaques et exprimer ainsi son accord avec la création de la Tchécoslovaquie, la France organisa sur son territoire, après la fin de la guerre, la Conférence de Paix qui définit les frontières du nouvel Etat et fournit les garanties de son existence.

Il est vrai qu´en vue de leur émancipation, les Tchèques n´avaient pas déployé en France que leurs activités diplomatiques et politiques. En 1917, une unité militaire tchèque fut créée en France, organisée par le grand peintre Kupka, et, baptisée Légion, elle prit part aux combats sur le front franco-allemand. Les cimetières de La Targette, Darney ou Vouziers comptent plusieurs milliers de tombes de ces légionnaires qui sont morts pour la France, convaincus qu´en luttant pour elle, ils luttaient et se sacrifiaient aussi pour la liberté de leur patrie et pour l´avenir démocratique de l´Europe. Ils étaient 80 000 à la fin de la guerre et représentaient une force militaire incontestable. Leur rôle dans la défense de la France est commémoré également par le monument du cimetière Père Lachaise à Paris.

La période de l´entre-deux-guerre marqua l´essor le plus formidable des relations franco-tchèques. La France aida la Tchécoslovaquie à constituer son armée, dont l´état-major général fut d´abord commandé par des généraux français (Pellé, Mittelhauser). Des capitaux français vinrent s´investir dans l´économie très avancée des Pays tchèques. La Tchécoslovaquie fut parmi les membres fondateurs de la Société des Nations, et sa politique étrangère, conduite par le ministre Edvard Beneš, était très orientée sur la France. La langue française était à l´honneur. Au Lycée Carnot de Dijon, puis dans des lycées de Nîmes et de Saint-Germain-en-Laye, des sections tchécoslovaques furent créées qui accueillirent quelques centaines d´élèves tchèques et slovaques, dont beaucoup allaient devenir des personnalités publiques de premier plan (le critique littéraire Václav Černý, l´auteur dramatique et l'acteur Jiří Voskovec).

L´influence de la France dans le domaine culturel fut durable et déterminante. Grand nombre d´artistes tchèques sont partis s´installer en France: tel avait été le cas des grands peintres comme Alphonse Mucha ou František Kupka, plus tard de Josef Šíma, d´Otakar Kubín (Coubine), de Jiří Zrzavý, de Toyen, du compositeur Martinů, des écrivains tels que Toman, Weiner, Reynek, Palivec, Hořejší, Heisler... Certains restèrent jusqu'à la fin de leur vie. Toutes les nouveautés parisiennes trouvaient vite le chemin de Prague, des liens solides se nouaient entre les milieux artistiques. Prague ne jurait que par le cubisme, les surréalistes se rencontraient régulièrement à Paris ou à Prague. L'Institut Ernest Denis de Prague joua le rôle d'un centre culturel important, il y eut comme professeurs, par exemple, le philosophe Vladimir Jankélévitch ou Hubert Beuve-Méry, qui devait devenir le fondateur du Monde.

mucha

L'occupation allemande interrompit les liens avec la France, et toutes les institutions françaises furent fermées.

La coopération reprit pour un moment après la guerre mais le coup de force communiste de 1948 y mit fin de nouveau et le nouveau régime y opposa des obstacles insurmontables; seuls persistèrent des liens, importants, entre les partis communistes et leur intelligentsia. Le président de l' Alliance Française, le général Píka, fut accusé d'espionnage et exécuté, les activités des institutions françaises de nouveau arrêtées. Une partie de l'exil tchèque se fixa à Paris (Jan Čep, Toyen), et parmi ces exilés, c'est le journaliste Pavel Tigrid qui devint une figure essentielle de l'opposition tchèque des quarante années à venir, en prenant la direction de la revue Svědectví (Témoignage). Paris retrouva donc son rôle de foyer de l'opposition tchèque à l'étranger.

Sur le plan culturel, la France garda son importance à l'intérieur du pays, et malgré la sévérité de l'oppression, bon nombre d'oeuvres et d'auteurs essentiels furent traduits. On n'ignorait pas l'existentialisme, le structuralisme, le nouveau roman ni le théâtre de l'absurde, Prague, où Sartre fit une visite; on traduisit Teilhard de Chardin, Bernanos ou Julien Green. La libéralisation progressive des années 60 entraîna le rétablissement de certaines institutions françaises : dans les locaux de l'ancien Institut Français, on instaura la Bibliothèque française, on créa la Société Tchécoslovaquie - France. On rétablit pour un temps les sections tchécoslovaques dans les lycées de Dijon, Saint-Germain-en Laye et Nîmes.

L'invasion soviétique de 1968 produisit un choc sur les élites culturelles en France; la désaffection à l'égard du régime soviétique a été influencée également, dans une certaine mesure, par le film de Kosta Gavras tiré du livre L'Aveu d'Arthur London, haut responsable du PC tchèque emprisonné dans les années 50 et, après sa libération, expatrié en France grâce à son mariage français.

Milan Kundera

La Bibliothèque française de Prague ne fut pas refermée à la suite de l'invasion soviétique, et même des cours semi-officiels de français continuèrent dans les locaux de l' Institut. Août 1968 eut pour conséquence une nouvelle vague d' exilés vers la France, parmi lesquels de nombreux artistes importants (le poète et plasticien Jiří Kolář, Milan Kundera, qui se virent tous deux accorder la nationalité française par le Président Mitterrand) et intellectuels (Antonin Liehm, qui dirigea, à Paris, au cours des années 80, la revue Lettre Internationale, qui faisait le trait d'union de l'Europe intellectuelle bien avant la chute du Mur de Berlin et qui fut publiée par la suite dans plusieurs autres langues et dans plusieurs pays).

havel - mitterrand

A la fin des années quatre-vingts, la France apporta un important soutien à l'opposition tchécoslovaque à l'intérieur du pays, lorsque le Président Mitterrand, lors de sa visite à Prague, à la fin de 1988, rencontra sept de ses représentants, dont Václav Havel. Il fut le premier chef d'Etat ou de gouvernement à le faire.

Après la chute du régime communiste en 1989, les relations entre les deux pays connurent un épanouissement important, on rétablit rapidement les activités des institutions ainsi que l'enseignement du français. Sur le plan de la politique étrangère, les deux pays sont devenus alliés et deviendront sans doute également partenaires, dans un avenir proche, au sein de l'Union européenne. La République tchèque considère la France comme l'un des leaders de l'Union, qui donne des impulsions décisives de son évolution et, avec l'Allemagne, en constitue le moteur. Dès le début de 1990, le Président Havel effectua en France l'un de ses premiers voyages officiels à l'étranger, Prague reçut les visites des Présidents Mitterrand et Chirac. Une deuxième visite d'Etat du Président Havel en France vient d'avoir lieu en 1999. 

François Mitterrand retourna à Prague, en 1993, pour la réouverture solennelle de l'Institut Français, qui se hissa, en quelques années, parmi les institutions culturelles les plus prestigieuses de Prague. En plus de nombreuses manifestations culturelles, celui-ci organise des cours de français qui bénéficient d'un intérêt croissant du public. Ils accueillent annuellement 2 000 auditeurs, et 7 000 lecteurs sont inscrits à la Bibliothèque de l'Institut. Les activités de l'Alliance Française furent également reprises. Elle compte pour le moment six organisations (Pardubice, Liberec, České Budějovice, Ostrava, Brno et Plzeň).