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Tomáš Petříček
Foto: © MZV/MFA
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Rozhovor ministra Petříčka pro Le Monde

 

Le Monde, 14 červen 2019

République tchèque : «Nous serions prêts à quitter le gouvernement» en cas d’atteinte à l’indépendance de la justice

Tomas Petricek (CSSD), ministre tchèque des affaires étrangères, tire les leçons du vaste mouvement d’opposition au premier ministre, son partenaire de coalition Andrej Babis, soupçonné par Bruxelles d’avoir bénéficié de fonds communautaires indus.

Tomas Petricek est le ministre tchèque des affaires étrangères. Il est membre du parti social-démocrate, associé au pouvoir au premier ministre Andrej Babis et à son mouvement, l’Action des citoyens mécontents (ANO). Ce dernier, allié aux élus macronistes au Parlement européen, est soupçonné d’avoir bénéficié de fonds communautaires indus, et est en froid avec Bruxelles à ce sujet. Et est confronté à un vaste mouvement populaire en raison de ce conflit d’intérêt.

La République tchèque connaît une grande mobilisation contre M. Babis, accusé de détournement de fonds. Etes-vous d’accord avec le premier ministre quand il dénonce des « attaques de Bruxelles » contre son pays?

Je suis convaincu qu’il faut bien séparer les deux. D’abord, nous parlons d’un projet de rapport d’audit écrit par la Commission européenne. La République tchèque va procéder conformément aux règles ; elle a la possibilité de réagir et d’envoyer des commentaires. Il faut respecter la procédure. Je ne crois pas qu’il faille attaquer les institutions européennes. Restons-en au fait.

En ce qui concerne les manifestations contre M. Babis, cela montre que les citoyens tchèques peuvent manifester contre certaines propositions politiques, comme les Français l’ont fait contre M. Macron. Il faut étudier les raisons qui ont conduit les gens à manifester. Il faut aussi s’assurer que l’Etat de droit est respecté, que la justice est toujours indépendante, et qu’elle ne subit aucune interférence.

Est-ce bien le cas, ou avez-vous des soupçons?

Je suis convaincu que l’indépendance de la justice n’est pas menacée, tout comme l’Etat de droit. Mon parti se veut particulièrement vigilant sur ces points. S’il y avait une tentative de révoquer le procureur général, nous serions prêts à quitter la coalition gouvernementale.

Ne regrettez-vous pas que ce conflit d’intérêt personnel, ne concernant que M. Babis, crée des tensions entre votre pays et l’Union Européenne (UE)?

Le parti social-démocrate a formé une coalition avec le parti ANO tout en sachant qu’il y avait un grand point d’interrogation autour du conflit d’intérêt du premier ministre. Dès le début, c’est un sujet qui a marqué la coopération gouvernementale, mais notre parti a voulu faire preuve de responsabilité. Les alternatives qui se présentaient, notamment avec les mouvements populistes ou la droite extrême, aurait eu un impact sur la position de la République tchèque au sein de l’UE. C’est pour cela que nous avons joint nos forces à celle d’ANO. Dès le début, nous avons dit que si la justice tchèque arrivait à la conclusion que le premier ministre n’avait pas respecté la loi, cela mettrait fin à notre participation au gouvernement.

Il est beaucoup question de l’Etat de droit au sein de l’UE, après ce qui s’est passé en Hongrie, en Pologne, voire en Roumanie ; est-ce légitime d’insister autant sur cette question?

C’est une question très importante, car c’est une des valeurs sur lesquelles notre communauté est fondée. Il faut s’assurer que l’Etat de droit est bien respecté et être vigilant à ce sujet. Il faut aussi discuter avec nos partenaires, comme la Hongrie et la Pologne, avec lesquelles nous avons une très bonne coopération. La Pologne a respecté la décision de la cour de justice sur sa réforme judiciaire. Cela montre que ces discussions ont un sens. Il faut par ailleurs éviter de créer des fossés en Europe, qui seraient préjudiciables à notre unité.

Faut-il conditionner le versement des fonds d’aide aux régions les plus pauvres au respect de l’Etat de droit?

Je crains que cela creuse les clivages en Europe. Il faut rappeler l’objectif de ces fonds de cohésion, censés aider les pays les plus faibles à intégrer le marché unique. L’objectif était de réduire les inégalités. Nous sommes prêts à mener cette discussion, mais elle est problématique si elle ne concerne que les fonds de cohésion. Si conditionnalité il y a, il faudrait l’élargir à tous les budgets européens. Les mêmes règles doivent être applicables à tous, car nos concitoyens ont l’impression que les règles ne s’appliquent pas de la même manière.

Comment réduire le fossé dont vous parlez?

Après quinze ans d’adhésion à l’UE, il faut arrêter de faire une distinction entre anciens et nouveaux membres. Ce ne sont pas les seules divisions que nous connaissons. Il existe aussi des clivages au sein de la zone euro, entre le Nord et le Sud ; ou entre la zone euro et les autres. Les lignes de partage sont multiples.

Quelles sont les leçons que vous tirez des élections européennes?

Force est de constater que les résultats des élections européennes ont été meilleurs que prévu. Certes, les conservateurs (PPE) et les sociaux-démocrates ont perdu leur majorité commune au Parlement. Mais la majorité reste pro-européenne. La percée des populistes et des eurosceptiques n’a pas été aussi importante que redouté. La bonne nouvelle est le taux de participation, le plus élevé depuis 1994. C’est valable aussi pour la République tchèque, où la participation a gagné 10 points de pourcentage. Ceci montre que les citoyens s’intéressent à l’Union européenne et à son avenir.

Ce rebond s’explique chez nous par le conflit entre les partis pro-européens et eurosceptiques. Les élections ont, cette fois, été dominées par des sujets européens, contrairement au passé, où l’on en restait à des sujets nationaux. On constate un soutien croissant à l’UE chez nous, autour de 68 %. L’Europe et les questions paneuropéennes, comme la sécurité du continent, ont été au cœur de la campagne, même si le regain de participation a bénéficié aux deux camps, les pro-européens comme les eurosceptiques.

Quelle sera la position tchèque pour la présidence de la Commission européenne?

D’abord, il est important de préserver l’autonomie du Conseil européen en ce qui concerne cette décision. Cela dépend des délibérations entre chefs d’Etat et de gouvernement européens, en tenant compte, bien sûr, des résultats des élections européennes. Mais c’est au Conseil de décider. Il y a aussi d’autres postes à pourvoir, comme le président du Conseil, et le haut représentant pour les affaires étrangères. Il faut prendre en compte différents équilibres, géographiques ou entre pays membres, la parité homme-femme, les équilibres Nord-Sud et Est-Ouest.

Propos reccueillis par Philippe Ricard

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