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Historien Bernard Michel est mort

(This article expired 13.08.2017.)

Bernard Michel (1935-2013), spécialiste et acteur de l’histoire de l’Europe centrale, professeur émérite à la Sorbonne (PARIS 1), titulaire de la chaire d’histoire de l’Europe centrale contemporaine de 1985 à 2003, est décédé à son domicile à Meaux le vendredi 26 juillet 2013. Ses obsèques ont eu lieu vendredi 2 août.

Né à Paris, agrégé d’histoire en 1959, année de son mariage avec la franco-tchécoslovaque Michèle Pospišil, il s’intéresse à l’histoire de la Hongrie, devenue cependant inaccessible après le coup de Budapest en 1956. Tout en enseignant aux lycées Lamoricière d’Oran puis Jean-Baptiste Say et Henri IV à Paris, il se replie sur l’histoire des finances de l’Autriche, objet de sa thèse de doctorat à la Sorbonne en 1970 Banques et banquiers en Autriche au début du XXe siècle (Presses de Sciences-Po, 1976) sous la direction du grand historien moderniste Victor-Lucien Tapié.

De là, il poursuit ses recherches vers la Bohême et Prague, qui devint le centre de son activité scientifique tout au long de sa carrière. Après un passage au CNRS, il est élu à l’université de Poitiers puis à la Sorbonne (PARIS I) en 1985. Il enseigne parallèlement à Sciences-Po Paris. C’est le début d’une dense activité éditoriale : La Mémoire de Prague (Perrin, 1986), Sacher Masoch, 1836-1895 (Laffont, 1989), La chute de l’Empire d’Autriche-Hongrie (Laffont, 1991), Villes et sociétés urbaines dans les pays germaniques, 1815-1914 (SEDES, 1995), Nations et nationalismes en Europe centrale, XIXe-XXe siècles (Aubier Montaigne, 1996, sans doute son ouvrage le plus stimulant), Histoire de Prague (Fayard, 1998), L'Empire austro-hongrois. Splendeur et modernité (France Loisirs, 2006), Prague Belle Epoque (Aubier, 2008 ; traduit en tchèque, Argo, 2010). Toute son œuvre s’inscrit dans le courant de l’histoire culturelle, valorisant les croisements que lui permettaient la maîtrise de plusieurs langues de l’Europe centrale et un solide réseau de contacts et d’amitiés dans des pays aux identités mouvantes sous des hégémonies successives et contradictoires.

Son activité de chercheur s’est souvent heurtée aux lourdeurs politiques et il n’a pas hésité s’engager, monnayant son prestige contre des accès privilégiés à des fonds inaccessibles à d’autres. Ce qui en a fait un acteur des transformations tout particulièrement en 1989, lorsque la chute du communisme a laissé réapparaître cette Europe centrale que beaucoup croyaient perdue. Il a formé toute une école de jeunes historiens en dirigeant des dizaines de travaux universitaires.

Cette activité à la fois scientifique et civique lui a valu de nombreuses décorations : depuis 1967 secrétaire général de la Commission des Etudes historiques slaves, commandeur des palmes académiques en France, trois fois élu membre du Conseil National des Universités, conseiller auprès des ministères de la Défense et des Affaires étrangères, il était aussi membre correspondant de l’Académie des sciences polonaise (1993), du Collegium Carolinum de Munich et docteur honoris causa de l’université Charles à Prague (2004). Sa dernière conférence, il l’a donné dans sa ville adorée, Prague, en mars 2013 devant 200 spectateurs. Elle portait sur l’imposante œuvre L’épopée slave du peintre Mucha, objet de ses ultimes rayons dans les yeux.

Dr. Alain Soubigou, Maître de conférences en histoire de l’Europe centrale contemporaine, PARIS 1 – Sorbonne